21 février 2007
Mon père se meurt.
Ce soir, je suis allé le voir à l'hôpital où il agonise lentement.
Le 12 janvier dernier, il s'est effondré pour ne plus jamais se relever. Il s'est traîné jusqu'à son lit, criant, hurlant sans doute sa terreur, alors que déjà sa voix ne lui obéissait plus. Un AVC disent-ils. Accident Vasculaire Cérébral. AVC... drôle de nom pour désigner cette chose qui allait m'enlever mon père par petits bouts...Aujourd'hui, son côté droit est totalement et irréversiblement paralysé, il ne peut plus parler, le réflexe de déglutition ne se fait plus et il s'asphyxie lentement avec sa propre salive. Le dioxyde de carbone de plus en plus mal évacué emplit son organisme de ses miasmes étouffants.
Il est là, toujours dans la même position, bouche ouverte, cherchant les dernières molécules d'oxygène. Son oeil droit reste très légèrement ouvert, donnant l'impression de regarder obstinément, constamment, le visiteur inquiet.
L'arrivée dans cette chambre n°6 est ritualisée, la double blouse, les gants de latex une fois sur deux trop petits pour moi, salut P'pa, le bisou sur le front, les yeux dans ses yeux, la main qui caresse le front et les cheveux du vieil homme. Peut-être qu'il sait que je suis là, peut-être pas. Peut-être qu'il m'entend, peut-être pas. Alors je lui parle, je fais les questions et les réponses, jusqu'à ce que le visage si fier de cet homme qui fut pour moi plus qu'un père, ce visage si beau avec ses fines rides, ses sourcils broussailleux me bouleverse, me tenaille, me fasse chialer comme le gosse que je reste devant ce mythe absolue de la force paternelle.
C'est bien toi P'pa, par delà ta souffrance, par delà la mort déjà présente, tu es là, évoquant en moi mille sentiments, mille mots, mille remords, mille manières de penser à toi. Curieusement, je n'évoque pas une scène particulière, mais une émotion, un sentiment de fierté, une façon de te considérer, une ambiance dans nos discussions si souvent échevelées.
J't'aime P'pa. Tu le sais je te l'ai dit ce soir. Même si tu es vaincu bientôt, même si le combat s'arrête là, j't'aime ; ça te rend immortel ça, non ?