dimanche 13 mai 2007

Plus d'un mois sans rien publier. Mais que dire que je n'ai déjà dit sur toi ? Sans doute faut-il passer à autre chose. Mais j'aime bien l'idée de continuer à te parler ici, de temps en temps, en fonction de l 'humeur du temps. Je suis sûr que ça m'a fait beaucoup de bien.
Alors, peut-être faut-il te tenir au courant de l'actualité ? Que penserais-tu par exemple de l'élection de Nicolas Sarkozy ? Qu'est-ce qu'on aurait pu s'engueuler sur les programmes des deux candidats entre les deux tours ! Sûrement après avoir longuement discuté du choix des candidats du premier tour. Je crois connaitre qu'elle aurait été ta position : désabusé probablement, comme moi mais pour d'autres raisons, quoique néanmoins solidement convaincu de l'utilité de ton vote.
Pour mon plus grand regret, pour le plus grand regret de tous, tu n'as pas pu aller voter cette année, alors que tu n'avais jamais manqué une élection depuis ta majorité.
Et puis ces discussions d'après repas me manquent tant...Une photo encore, une des dernières, une émouvante, qui en dit tellement ...
Encore une fois, Louis m'a fait un somptueux cadeau, qu'il a été chercher sur la lune. Relisez les commentaires.

mardi 20 mars 2007

Je relis ce blog... Et la douleur remonte.
La vie, terriblement autoritaire, totalement implacable, nous entraîne dans son tourbillon, travail, enfants, réunions, loisirs... Et toi, papa, quelque part, nulle part, toi et ton souvenir qui s'efface devant tant d'effervescence.
Et qui resurgit brutalement, violemment quand je revois ces photos, quand je relis ce que j'ai écrit -quand ? - il y a si longtemps déjà - en pleurant.
Un voile de souffrance s'interpose alors, qui disparaîtra bientôt, inévitablement, parce que demain arrive, qu'il est impitoyable, qu'il achève sans pitié le souvenir et le recueillement d'un soir.

Je n'ai pas remercié mes amis, mon frère pour leurs commentaires ici-même. Ils auront compris à quel point ça me touche. Quand au p'tit frère, que j'aime profondément, j'essaie de tout coeur de partager avec lui, et à distance, ces moments de tristesse.

dimanche 11 mars 2007

Louis Parisel, un poète, un ami, un collègue, a écrit ceci :


Mon père

Aujourd'hui je me suis promené

dans la forêt

dans ta forêt

Il faisait beau

il faisait chaud

.

J'aurais aimé que tu sois là

encore une fois

te voir marcher

juste devant moi

Mon fils dans ta main

ma fille sur ton coeur

.

J'ai peur

J'ai peur d'être trop petit

pour les conduire

sur ton chemin

pour construire

leur lendemain

.

Si tu n'avais pas été mon père

tu aurais été mon frère

mon copain

Je t'aurais sûrement rencontré

Je t'aurais forcément aimé

Et comme tu étais mon père

tu es devenu mon copain

mon frère

pour l'éternité

Puis-je ajouter à cela quelque chose qui ne soit pas superflu ? A part merci, Louis ...

samedi 10 mars 2007

Une semaine sans rien dire... Le temps reprend son cours...
Beaucoup de paperasses à remplir pour aider maman. Ta carte d'identité, ta carte des anciens combattants retrouvées : petites douleurs. Du vague à l'âme, de la mélancolie et parfois, forte, remuante, une bouffée de tristesse.
Des essuies-glaces qui crissent en dévoilant la maison, ta maison, où il n'y a plus moyen de te trouver.
Des chansons de Brassens, des extraits qui t'évoquent
"Et que le grand manitou,
Pour qui le mot n'est rien du tout,
Accepte en sa Jérusalem,
A l'heure blème..."
Mais l'impression étrange, parfois, d'une vraie et profonde sérénité. Quelque chose comme la dernière scène de star wars où les fantômes (?) des héros défunts contemplent en souriant la fin heureuse de l'histoire. J'ai cette sensation parfois de ton ombre géante et protectrice derrière moi. Je continue un chemin que tu as toi même continué.
Je ne suis pas le seul, Agnès a fait un blog aussi, pour ta mémoire, pour écrire sa douleur...

dimanche 4 mars 2007

Je suis désolé de te dire ça, mais il y a certaines photos où tu ne te ressembles pas. Par exemple, celle-ci, où tu fumes une gauloise sans filtre devant une bouteille de champagne (!) Tu es probablement avec des gens de chez Ferro.
Ta coiffure est trop vilaine, le "pento" devait être de mauvaise qualité. Il y a d'ailleurs une autre photo qui ne me plaît pas trop : celle du mariage de Michèle et Mado, à peu près d'ailleurs à la même époque. Il faudra que je la récupère...


J'ai remis quelques photos sur le site, photos que maman a triées à ma demande. L'une d'entre elles, celle où tu es si jeune, comportait un message au dos : "Mes plus doux baisers à ma petite Bernadette, ma petite chérie". Laisse-moi imaginer l'histoire de ce cliché : tu as 20 ans à peine, tu es amoureux de celle qui deviendra notre mère, et tu lui écris ce petit mot un peu niais au dos d'une photo d'identité. Où es-tu à ce moment-là ? A l'évidence tu ne vis pas encore avec maman. Vas-tu partir pour ton service militaire ? Es-tu encore chez tes parents, t'impatientant de revoir ta bien-aimée ? Tu me pardonneras si tout ça est un peu confus pour moi, je dois me rappeler les discussions que nous avons eu, ou faire appel aux souvenirs de maman, qui ne sont d'ailleurs plus aussi précis. Par exemple, combien de temps es-tu parti en Algérie ?

jeudi 1 mars 2007


Je suis allé sur ta tombe aujourd'hui, Papa. Je n'étais pas loin, je devais récupérer les cartes de remerciements dans une boutique près du cimetière. Alors, une petite visite s'imposait. Le ciel était filandreux, bas et pesant, j'ai dû me protéger des bourrasques de pluie avec cette ridicule capuche qui me bouche toute vue latérale. Du coup, j'ai hésité devant la dernière allée. Où étais-tu ?
Je me suis guidé sur les taches colorées des innombrables fleurs qui ornent encore ta tombe. J'ai imaginé que, quand elles auront toutes disparues, le cycle de ta souffrance sera définitivement achevé.
Devant ta "dernière demeure", pour la première fois de ma vie, je me suis recueilli. Oh, bien sur, je peux évoquer certains moments où j'ai eu l'impression de me recueillir. Aujourd'hui, tu t"en doutes, c'était différent.
Je t'imaginais sous ces dalles de béton, enfouies sous ces myriades de bouquets déjà défraîchis.
J'ai trouvé qu'il faisait froid. L'idée m'a effleuré que toi aussi, peut-être, tu avais froid. Pourquoi une telle idée ?

Ces derniers jours ont été moins tristes, un peu mous presque. La vie reprend ses droits. J'imagine que tu aurais souhaité qu'il en soit ainsi.

J'aime bien te parler ici... Enfin, te parler. T'écrire ici. Depuis que j'ai appris l'inéluctable, ça m'a aidé. Des gens que j'aime beaucoup ont essayé de nous dire les mots qui apaisent ; mais je crois que ces mots dans ces moments-là sont le plus souvent inutiles. Ceux qu'on écrit soi-même sont, je crois, plus forts. Ils sont tout aussi vains et un peu pathétiques, peut-être, sans doute ridicules, mais j'aime cette idée du pouvoir de l'écrit, de sa "transcendance" à défaut de la foi. Qui me dit après tout que les morts ne lisent pas ?

La photo d'aujourd'hui est due à ta petite fille Céline. C'est une très belle photo, que je trouve réconfortante. Elle évoque vraiment ce que tu étais quand la famille se retrouvait : gouailleur, joyeux, réjoui, farceur parfois... Pardonne-moi, j'ai encore un peu de mal à me dire que plus jamais...

mercredi 28 février 2007

Voilà, c'est fini.
Papa, le corps de papa, est "enterré". En fait, emmuré dans quatre dalles verticales de béton. Beaucoup de monde à l'enterrement. Beaucoup de fleurs. Beaucoup de pleurs. Les énormes cierges de chaque côté du cercueil dont ceux allumés par Romane. (merci ma puce...)
Les drapeaux des anciens combattants d'Algérie, un peu pathétiques.
Les collègues de Ferro. Ceux de la CGC. Les amis d'Eclaron. Les cousins venus parfois de loin et parmi eux, certains que je ne connaissais pas.
Mes amis aussi. Olivier, Dominique, Isabelle, Fred (les deux), Patrick, Sylvie, Nicole... et tous ceux que j'oublie ou que je n'ai pas vu.
Mme Reygner, ma patronne.
Je les remercie tous ici.
Un merci spécial à Nelly, notre cousine, pour son interprétation de l'Ave Maria au violon.
J'ai appris plus tard que son mari, Stéphane, est venu lui aussi jouer pour papa quand il était encore au funérarium.
C'est un superbe geste, j'aurais aimé être là.

Alain, notre frère, était là aussi. C'est bien.

mardi 27 février 2007

"J'arrive, bien sûr j'arrive,
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois traîné mes os
Jusqu'au soleil, jusqu'à l'été,
Jusqu'au printemps, jusqu'à demain...
J'arrive bien sûr, j'arrive,
Mais pourquoi moi, pourquoi maintenant,
Pourquoi déjà et ... où aller
J'arrive, bien sûr j'arrive
Mais ai-je jamais rien fait d'autre
Que d'arriver"
Jacques BREL

lundi 26 février 2007


Agnès a lu ce message pendant la messe. Elle m'a vraiment étonné, il fallait beaucoup de courage pour le faire.

A NOTRE PERE
Mon papa,
Aujourd'hui je ne chanterais pas la Madelon et pourtant toute la famille est là.
Notre chanson fétiche que tu m'avais apprise lorsque j'étais petite, afin de la chanter en toute occasion. Tout le monde reprenait en coeur... Nous sommes tous là et pourtant, c'est pour te dire "au revoir", car aujourd'hui notre douleur est profonde, nous t'accompagnons pour ton dernier voyage et c'est un vrai supplice.
Comment exprimer nos sentiments ?
Comment crier notre amour pour toi ?
Comment nous montrer dignes de ce que tu nous a enseigné, des principes d'humanité, de rigueur et de respect que tu nous a transmis ?
Nous n'avons pas toujours respecté ce que tu souhaitais que l'on fasse.
Mais tu as toujours été là pour nous quelle que soit l'épreuve que nous traversions.
Maintenant, c'est à notre tour d'être là pour te soutenir et t'aimer au delà de la séparation physique qui nous déchire en ce moment douloureux.
Tu resteras pour nous cet homme magnifique et généreux, pour touours le meilleur des pères.
Alors, Adieu papa, nous t'aimons tous et cela ne disparaîtra pas.

dimanche 25 février 2007

J'ai collecté quelques photos de Papa : http://francis.vautrot.free.fr/Papa/thumb.html
D'autres seraient les bienvenues. L'adresse mail est dans le profil ci-contre ou à francis.vautrot@laposte.net
Je ne suis pas croyant. Pas plus que papa ne l'était.
Mais je comprends les motivations des proches pour que, malgré tout, son enterrement soit précédé d'une bénédiction religieuse. C'est un rite socialisé sûrement essentiel à maman, à ses soeurs, à certains de ses enfants, qui les aidera à faire leur deuil. De surcroît, s'ils peuvent penser que quelque part, papa joue aux tarots avec ses copains partis avant lui ...Avec Mado par exemple. Ce serait bien, hein ?
Mais voilà, rien ne m'autorise à penser ça.
Alors, il va falloir que je pense à lui autrement. Valentin a raison, il faut bien essayer de trouver un sens à tout ça. Alors voilà, P'pa, on va te rendre un peu immortel quand même, comme je te le disais il y a quelques jours. C'est dans nos coeurs, profondément, qu'est ta dernière demeure. Nos pensées, notre raison, nos sentiments pour toi, quoi de plus immatériel ? C'est là que tu continueras à vivre. Mais comme c'est vachement dur, j'te fais un petit mausolée ici, pour nous(m') aider à se rappeler de toi, de ce que tu as été, et donc ce que tu resteras à jamais pour nous.
Tu vois, c'est idiot, je te parle comme si...

samedi 24 février 2007


24 février
Le journée d'hier a été éprouvante. Pas moyen d'écrire quoi que ce soit. Papa est au funérarium, tranquille et serein. Je n'arrive pas à croire qu'il est parti.
Je voulais écrire un mot sur le livre d'or comme Thierry. Finalement, je laisse ça aux amis de la famille.
J'écrirais ici.
A mon père, cet homme hors norme, têtu et généreux, gueulard et magnifique, entêté et aimant, ce formidable être humain à qui nous devons tellement. Tchao P'pa. Tu as eté le meilleur des péres.

vendredi 23 février 2007

22 février 2007
Mon père est mort.
J'ai 10 ans et mon père, il est mort.
J'ai mal. Je pleure.
21 février 2007
Mon père se meurt.
Ce soir, je suis allé le voir à l'hôpital où il agonise lentement.
Le 12 janvier dernier, il s'est effondré pour ne plus jamais se relever. Il s'est traîné jusqu'à son lit, criant, hurlant sans doute sa terreur, alors que déjà sa voix ne lui obéissait plus. Un AVC disent-ils. Accident Vasculaire Cérébral. AVC... drôle de nom pour désigner cette chose qui allait m'enlever mon père par petits bouts...Aujourd'hui, son côté droit est totalement et irréversiblement paralysé, il ne peut plus parler, le réflexe de déglutition ne se fait plus et il s'asphyxie lentement avec sa propre salive. Le dioxyde de carbone de plus en plus mal évacué emplit son organisme de ses miasmes étouffants.
Il est là, toujours dans la même position, bouche ouverte, cherchant les dernières molécules d'oxygène. Son oeil droit reste très légèrement ouvert, donnant l'impression de regarder obstinément, constamment, le visiteur inquiet.
L'arrivée dans cette chambre n°6 est ritualisée, la double blouse, les gants de latex une fois sur deux trop petits pour moi, salut P'pa, le bisou sur le front, les yeux dans ses yeux, la main qui caresse le front et les cheveux du vieil homme. Peut-être qu'il sait que je suis là, peut-être pas. Peut-être qu'il m'entend, peut-être pas. Alors je lui parle, je fais les questions et les réponses, jusqu'à ce que le visage si fier de cet homme qui fut pour moi plus qu'un père, ce visage si beau avec ses fines rides, ses sourcils broussailleux me bouleverse, me tenaille, me fasse chialer comme le gosse que je reste devant ce mythe absolue de la force paternelle.
C'est bien toi P'pa, par delà ta souffrance, par delà la mort déjà présente, tu es là, évoquant en moi mille sentiments, mille mots, mille remords, mille manières de penser à toi. Curieusement, je n'évoque pas une scène particulière, mais une émotion, un sentiment de fierté, une façon de te considérer, une ambiance dans nos discussions si souvent échevelées.
J't'aime P'pa. Tu le sais je te l'ai dit ce soir. Même si tu es vaincu bientôt, même si le combat s'arrête là, j't'aime ; ça te rend immortel ça, non ?